Interview en toute franchise avec Gella Vandecaveye, ancienne judokate et seule Belge à avoir décroché deux médailles olympiques d’affilée, au sujet des femmes et du sport.
Penses-tu avoir eu les mêmes opportunités que les hommes?
Mes parents m’ont donné de très nombreuses occasions de faire du sport et de jouer. En tant que fille/femme moi-même, je n’ai pas rencontré beaucoup d’obstacles pour devenir une athlète de haut niveau, tout au plus y avait-il moins de partenaires féminines, mais m’entraîner avec et contre des garçons m’a rendue plus forte. Je me suis défendue en tant que fille face aux garçons. Ils me voulaient même dans leur équipe!
Les femmes sont-elles aussi fortes mentalement que les hommes?
Bien sûr que les femmes sont beaucoup plus fortes mentalement que les hommes, elles peuvent subir davantage, elles donnent naissance aux enfants, elles sont la plaque tournante et la pierre angulaire de la famille et souvent aussi la caisse de résonance. Et les hommes qui s’entraînent avec des femmes pourront confirmer.
Les femmes athlètes bénéficient-elles de la même reconnaissance/du même respect que leurs homologues masculins?
Personnellement, je pense que cela varie beaucoup d’un sport à l’autre. Pas dans le football, par exemple, car le foot masculin est plus spectaculaire et plus commercial que le foot féminin et cela se traduit par des inégalités financières. Dans le tennis, je crois qu’il y a presque un équilibre. Du temps de ma carrière sportive, je n’ai pas eu l’impression d’être traitée avec moins de respect.
Est-ce positif pour une femme athlète d’avoir des femmes à bord?
C’est positif d’avoir à la fois des hommes et des femmes dans l’ encadrement, que ce soit comme accompagnateur, coach ou entraîneur. Chacun a son approche et certains athlètes préfèrent une femme comme coach ou accompagnateur avec qui il est peut-être plus facile de parler de sujets délicats. Un jeune athlète trouvera sans doute plus confortable de se confier à une coach. Cela dépend de l’athlète en question.
Penses-tu que la formation actuelle de coach convient aux athlètes de haut niveau?
A l’époque de ma carrière active, dans les années 90, la Fédération flamande de judo accordait des facilités pour passer la formation d’entraîneur A. Nous avons d’ailleurs toutes et tous réussi. Je n’ai aucune idée de la manière dont les choses se passent dans les autres fédérations actuellement mais j’espère surtout qu’elles donnent l’opportunité à leurs élites de mener avec succès leur formation d’entraîneur.
De quelle manière ta carrière sportive t’a-t-elle renforcée en tant que femme, en tant que personne?
Apprendre à relativiser et à ne jamais paniquer. Mettre tout en perspective, gérer le stress et les attentes, c’est ce qui m’a façonnée. Ma carrière sportive m’a rendue assertive et résiliente, j’ai appris à me défendre. C’est grâce au judo que je me suis forgée une identité.
As-tu bénéficié d’un accompagnement post carrière?
Quand j’ai raccroché mon judogi en 2004, le coaching post carrière en était encore à ses balbutiements. Je n’ai ni reçu ni demandé de soutien. Et je n’étais probablement pas ouverte à cela non plus car je ne voulais dépendre de personne et je tenais à mener ma barque toute seule.
Quel est ton meilleur souvenir en tant qu’athlète?
Mon 2ème titre mondial en 2001 à Munich, 8 ans après ma 1ère médaille d’or aux CM en 1993 à Hamilton au Canada, et après les trois autres - 2 en argent, 1 en bronze - décrochées successivement en 1995 à Chiba au Japon, en 1997 à Paris et en 1999 à Birmingham. J’ai remporté la finale sur ippon – un ippon exceptionnel – devant tout mon club de supporters, immense euphorie!